Mobile money : la nouvelle taxe qui secoue le quotidien des Sénégalais

Smartphone affichant une application de mobile money
Le paiement mobile est devenu un geste quotidien pour des millions de personnes à travers le monde
  • Le gouvernement sénégalais a introduit une nouvelle taxe sur les transactions de mobile money pour augmenter les recettes de l’État.
  • Cette mesure entraîne une augmentation du coût des transferts et des paiements.
  • Les commerçants et petits entrepreneurs craignent une baisse de leurs revenus, une complexification de leurs opérations et une possible répercussion des coûts sur les clients.
  • Des experts et associations alertent sur le risque que cette taxe freine les progrès réalisés en matière d’inclusion financière.

Le mobile money au Sénégal est au cœur d’un débat majeur suite à l’instauration d’une nouvelle taxe. Cet article analyse l’impact de cette mesure sur les transactions, les vendeurs et les usagers, et explore les enjeux soulevés par cette décision.

Nouvelle taxe : un défi pour le mobile money

Instaurée dans le cadre du Plan de Redressement Économique et Social (PRES), la nouvelle taxe sur le mobile money vise à mobiliser des ressources financières substantielles pour l’État sénégalais. L’objectif affiché est de générer près de 230 milliards de francs CFA sur trois ans pour soutenir le budget national et financer des projets de développement. Selon le gouvernement, cette mesure s’inscrit dans une logique d’équité fiscale, cherchant à formaliser une partie de l’économie numérique en pleine expansion.

Cependant, cette décision intervient dans un contexte où le mobile money, accessible via smartphone, est devenu un service essentiel pour plus de 95 % de la population adulte. Les transactions via des plateformes comme Wave ou Orange Money ne sont plus une simple alternative, mais la colonne vertébrale des échanges pour des millions de Sénégalais, en particulier dans les zones rurales et pour les populations non bancarisées. La taxe, qui s’applique aux transferts de personne à personne et aux paiements marchands, représente donc un défi majeur pour cet écosystème. Des organisations professionnelles du secteur numérique préviennent que cette fiscalité pourrait étouffer un secteur en pleine croissance, réduire les investissements des opérateurs et même entraîner des suppressions d’emplois.

Nouvelles taxes : mobile face à des transactions plus coûteuses

L’impact le plus immédiat de la nouvelle taxe se ressent sur le coût des transactions. Chaque envoi d’argent, chaque paiement de facture ou achat via un portefeuille électronique devient plus onéreux. Pour un usager qui envoie 10 000 FCFA à un proche, le surcoût peut sembler minime, mais pour ceux qui réalisent de multiples petites opérations chaque mois, l’accumulation de ces frais pèse directement sur leur pouvoir d’achat.

Cette augmentation tarifaire menace de freiner la dynamique d’adoption du paiement mobile. Des experts craignent une baisse significative des volumes de transactions, estimée entre 30 % et 50 %, comme cela a été observé dans d’autres pays africains ayant mis en place des mesures similaires, tels que le Ghana ou l’Ouganda. Un tel recul se traduirait non seulement par une perte de revenus pour les opérateurs, mais aussi par un retour massif vers l’argent liquide, une tendance qui irait à l’encontre des efforts de digitalisation et de traçabilité financière prônés par les autorités.

Type de transactionTaxe appliquéeExemple de surcoût pour 10 000 FCFA
Transfert de personne à personne0,5 %50 FCFA
Paiement marchand1,5 % (potentiellement partagé)Jusqu’à 150 FCFA
Retrait supérieur à 20 000 FCFA0,5 %100 FCFA

L’écosystème des commerçants à l’épreuve de la fiscalité

Pour les vendeurs, qu’ils soient gérants de « multiservices », commerçants sur un marché ou entrepreneurs en ligne, le mobile money est un outil de travail indispensable. Il simplifie les paiements, sécurise les recettes et facilite la gestion de la trésorerie. L’introduction de la taxe sur les paiements marchands et d’une retenue sur les montants encaissés suscite une vive inquiétude.

De nombreux commerçants craignent d’être pris en étau. S’ils absorbent la taxe, leurs marges, déjà faibles, seront encore réduites. S’ils la répercutent sur les prix, ils risquent de perdre des clients au profit de concurrents moins chers ou de ceux qui privilégient le paiement en espèces. Cette situation pourrait fragiliser des milliers de petites entreprises qui constituent le tissu économique local. L’Association sénégalaise des établissements de paiement (ASEPEME) alerte sur le risque de déséquilibrer un écosystème qui a créé des dizaines de milliers d’emplois et favorisé l’émergence de nombreuses fintechs.

Smartphone affichant une application de mobile money
Le paiement mobile est devenu un geste quotidien pour des millions de personnes à travers le monde

Le portefeuille électronique, un outil d’émancipation menacé ?

Au-delà des chiffres, la taxe sur le mobile money pose une question sociale profonde. Ce service a été un puissant vecteur d’inclusion financière, offrant à des millions de personnes exclues du système bancaire traditionnel un accès à des services financiers modernes. Familles en zones rurales, femmes commerçantes, jeunes entrepreneurs : tous ont trouvé dans le portefeuille électronique un moyen simple et abordable de participer à l’économie numérique.

En rendant ces services plus chers, la taxe risque de pénaliser indirectement les populations les plus vulnérables. Des organisations de consommateurs et des experts soulignent que cette mesure pourrait annuler des années de progrès, en décourageant l’utilisation des services financiers mobiles par ceux qui en ont le plus besoin. Le débat est donc aussi celui d’un choix de société : faut-il privilégier les recettes fiscales à court terme ou préserver un outil qui a prouvé son immense impact social et économique ?

Avantages du Mobile MoneyRisques liés à la Nouvelle Taxe
Inclusion des populations non bancariséesFrein à l’adoption et retour au cash
Sécurisation des transactionsAugmentation du coût de la vie pour les plus modestes
Facilité et rapidité des paiementsFragilisation des petits commerces
Développement de l’économie numériqueBaisse des volumes de transactions et des revenus
Création d’emplois (agents, fintechs)Réduction des investissements dans le secteur

Quel avenir pour la finance mobile au Sénégal ?

L’instauration de la taxe sur le mobile money au Sénégal cristallise la tension entre la nécessité pour un État de consolider ses finances et le besoin de protéger un écosystème numérique vital pour son économie et sa population. Si l’objectif de renforcement des recettes publiques est légitime, les craintes d’un effet contre-productif sont fondées sur des exemples concrets dans d’autres pays. L’avenir dira si le gouvernement saura trouver un équilibre pour ne pas sacrifier l’inclusion financière sur l’autel de la fiscalité.

FAQ —Tout savoir sur la taxe sur le mobile money

Qu’est-ce que la nouvelle taxe sur le mobile money au Sénégal ?

Il s’agit d’une mesure fiscale introduite par le gouvernement sénégalais qui applique un prélèvement sur les transactions financières effectuées via des services de mobile money. Elle concerne les transferts d’argent entre particuliers (0,5 %) et les paiements chez les vendeurs (jusqu’à 1,5 %).

Pourquoi cette taxe a-t-elle été mise en place ?

L’objectif principal est d’augmenter les recettes fiscales de l’État dans le cadre de son Plan de Redressement Économique et Social. Le gouvernement espère ainsi mobiliser environ 220 milliards de francs CFA sur trois ans pour financer des projets de développement.

Quel est l’impact pour les usagers ?

Pour les usagers, l’impact direct est une augmentation du coût de chaque transaction. Envoyer de l’argent ou payer un achat via mobile money coûte désormais plus cher, ce qui affecte particulièrement le pouvoir d’achat des personnes qui utilisent fréquemment ce service pour de petits montants.

Les vendeurs sont-ils également affectés par cette mesure ?

Oui, les vendeurs et commerçants sont directement concernés. Ils font face à une taxe sur les paiements qu’ils reçoivent, ce qui peut réduire leurs marges ou les obliger à augmenter leurs prix. Beaucoup craignent une baisse de l’utilisation du paiement mobile par leurs clients.

Cette taxe pourrait-elle freiner l’utilisation du mobile money ?

C’est la principale crainte des experts et des acteurs du secteur. En rendant les transactions plus chères, la nouvelle taxe pourrait décourager les usagers et les vendeurs, et potentiellement entraîner un retour vers les paiements en espèces, ce qui nuirait à l’inclusion financière.

Sources :

https://www.agenceecofin.com/actualites/1909-131619-le-senegal-taxe-le-mobile-money-opportunites-et-risques-dune-decision-controversee

https://www.jeuneafrique.com/1722573/economie-entreprises/taxes-sur-le-mobile-money-au-senegal-les-operateurs-sauront-ils-convaincre-sonko

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